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RESTAURATION DES ENREGISTREMENTS SONORES
les disques noirs
  par JEAN-Marc FONTAINE
(extrait de l'article)

Introduction

Les enregistrements sonores constituent une ressource culturelle très largement diffusée par l'édition d'un support, par radiodiffusion et par le câble (Internet). Les productions de masse ne doivent pas occulter les collections constituées dans le cadre d'investigations scientifiques devenues sources essentielles de recherche dans de nombreux domaines : histoire, linguistique, ethnologie, ethnomusicologie, musicologique, acoustique musicale, entomologie, éthologie,... Le Ministère de la Culture et de la Communication est en charge d'un inestimable patrimoine sonore composé de tous types d'enregistrements, de toutes les époques, issus pour partie de productions destinées au grand public, mais aussi de travaux de recherches de particuliers ou d'équipes disposant de moyens techniques parfois rudimentaires (exemplaires généralement uniques).

Les documents sources encourent toutes formes de risques de dégradation, de disparition du fait notamment de la fragilité des supports parmi les plus anciens. Les altérations du message sonore qui résultent de celles du support peuvent être traitées (dans le cas des enregistrements analogiques) avec des dispositifs de plus en plus performants mais dont l'action, irréversible, reste toujours contestable.

La restauration des enregistrements sonores n'échappe pas aux interrogations que pose toute intervention sur les oeuvres artistiques. Mais ici point d'objet matériel si ce n'est un support au rôle complexe vis-à-vis de l'information qu'il porte, point d'élément statique d'observation auquel se référer, seulement un son reproduit qui disparaît sitôt émis.

L'enregistrement n'est aucunement représentation objective d'une scène sonore : il intègre de nombreux processus techniques et résulte de décisions esthétiques marquantes lors de la prise de son, du montage,... jusqu'aux conditions de lecture et de diffusion.

Le passage du disque vinyle au disque compact a constitué une étape décisive dans les pratiques d'écoute de la musique enregistrée, sur un plan ergonomique certes (manipulation et stockage de l'objet, accès aux séquences,...), mais il a apporté surtout d'étonnantes, et parfois déconcertantes performances sonores qui passent par la disparition totale des bruits dits "de matière" jusqu'ici inévitables.

Ainsi pour le public, le CD non seulement remplace les disques vinyles, il fait en outre disparaître (de la mémoire collective à terme) certaines spécificités sonores des enregistrements anciens : les rééditions s'accompagnent de traitements d'élimination des bruits de fond mais qui retirent de manière plus ou moins subtile des éléments intéressants de l'information. Les auditeurs nostalgiques des "vieilles cires qui grattent" décriaient avec force ces pratiques du "zéro défaut" qui leur étaient proposées avec ces rééditions numériques sur disque compact. Une époque qui coïncidait, pour des raisons de développement technologique, à celle des premières expériences de "colorisation" de films noir et blanc.

Il est intéressant et peut-être préoccupant de constater aujourd'hui l'absence de débats sur ces questions. Pourtant toutes les interrogations subsistent quant à la préservation des éléments "essentiels" de l'œuvre qui doit compter sur la vigilance d'acteurs dont la mission se partage entre les objectifs de conservation et ceux de diffusion lorsqu'ils impliquent des traitements. La restauration de l'information sonore est en effet en totale contradiction avec les objectifs de préservation : les traitements du son ayant pour objectif d'améliorer la qualité d'un enregistrement (sur des critères que chacun peut discuter) comportent des opérations qui conduisent immanquablement à la perte d'éléments de l'information originelle.

Evolution de la qualité de restitution du son : l'exemple du disque noir

Invention datant de 1877 à laquelle les noms de Charles Cros et Thomas A.Edison restent attachés, l'enregistrement sonore par gravure analogique sur un support a bénéficié pendant un siècle de tous les progrès possibles qu'une telle technologie permettait de réaliser. Parmi les innombrables innovations, quelques étapes décisives jalonnent l'histoire de l'enregistrement :
  • 1888 : la production industrielle du disque de celluloïd puis de laque reproduit par pressage commence. L'appareil d'enregistrement fait appel à des principes mécaniques très simples : l'énergie sonore est transmise à une membrane dont la vibration est communiquée à un stylet qui grave la surface d'un disque mis en en rotation. Utilisant quasiment le même appareil (après avoir pris soin de changer la pointe) selon le principe inverse, on procède à l'écoute de l'enregistrement.
  • 1925 : toutes les opérations : prise de son, gravure, diffusion passent par une chaîne électrique. Il en résulte une amélioration notable de la qualité sonore.
  • 1948 : le lourd et cassant disque 78 tours fait place au microsillon qui autorise des enregistrements de qualité et de durée inégalées.
  • 1948 : lancement du magnétophone à bande (* )
  • 1960 : production des disques microsillons stéréophoniques.
  • 1976 : bandes master enregistrées sous forme numérique (ultime progrès)
  • 1981 : fin programmée de la production en masse du microsillon (ou "disque vinyle") qui sera remplacé progressivement par le disque compact. Toutefois, un public fidèle et exigeant continue de susciter des productions très performantes de disques, de platines, de cellules et de préamplificateurs.
  • 1988 : lancement d'une platine utilisant 2 faisceaux laser pour décrire le profil des 2 flancs du sillon. Un tel lecteur (ELP) permet d'extraire des informations auxquelles on n'avait pas accès avec un stylet.
  • 1990 : présentation d'une platine à fibre de verre (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne). Ce dispositif recule les limites de lecture des disques fissurés.
 

La réalisation d'un support d'enregistrement comporte de très nombreuses phases qui impliquent talents artistiques et techniques. Des métiers très spécifiques se relaient depuis la prise de son, ensuite en studio où se succèdent travaux de mixage, de montage, de réalisation de la bande mère (master) qui, acheminée à l'usine de pressage conduira à la production massive des disques. Chacune de ces opérations influe sur la qualité sonore du produit final.

  L'enregistrement sonore dont on dispose sur un simple disque cumule ainsi toutes les phases du processus d'enregistrement et de fabrication des disques. Les meilleures conditions de lecture, déterminantes aussi sur la qualité de restitution de l'information sonore doivent être réunies.

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