Editorial par Georges Brunel LE TOUT ET LA PARTIE
L'ensemble d'articles relatifs à la céramique architecturale que présente ce numéro est l'occasion de réfléchir sur ces œuvres d'un type particulier que sont les décors non figuratifs formés par la combinaison d'éléments, comme les carrelages ou les revêtements muraux. Les questions de méthode que posent ces objets sont multiples. Convient-il seulement de parler d'œuvres ? Ne doit-on pas considérer plutôt que, faisant partie d'ensembles qui ont logiquement le pas sur elles, en l'occurrence les édifices qui les supportent, elles n'ont pas d'autonomie en tant qu' objets ? D'un point de vue juridique, elles sont en effet ce qu'on appelle des immeubles par destination, mais cette qualification s'applique aussi aux peintures murales, que personne ne refusera de considérer comme des œuvres au sens plein du terme. Comme pour des peintures murales, on considère comme légitime d'extraire ces décors de l'ensemble dont il font partie, lorsque l'édifice est en danger, et de les conserver pour eux-mêmes. Autre question : lorsque des décors de ce genre sont mutilés, comment présenter les parties subsistantes ? Va-t-on reconstituer les manques, en se fondant sur la certitude que donne la répétition des éléments, ou au contraire présenter les fragments tels quels ? Il est trop facile de répondre que chaque cas appelle une réponse particulière. Si aucun principe ne guide la réflexion, on tombera nécessairement dans les solutions approximatives et les incohérences. La base du raisonnement doit être le principe de l'unité de l'œuvre d'art. Relisons Brandi. Cette unité, explique-t-il, n'a rien à voir avec celle de la totalité, ou de la somme, qui se compose d'un assemblage de pièces. Elle n'est pas davantage l'unité organique de l'être vivant, plante, animal ou être humain, dont chaque partie se lie au tout par la fonction. L'unité de l'œuvre d'art est celle de l'entier ; elle n'est pas autre chose que l'apparence sous laquelle l'œuvre se présente. Le problème est alors de savoir à quel niveau se situe l'unité. Celle d'un tableau de chevalet ou d'une sculpture en ronde-bosse est facile à percevoir ; mais qu'en est-il des décors attachés à un monument ? Et comment les traiter une fois qu'ils en ont été détachés ? La marge d'action dont on dispose dans la présentation de tels décors dépend du niveau où se place l'unité de l'objet à présenter, selon qu'il y a eu dépose ou non. Un motif géométrique dans un pavement, si l'on traite l'ensemble d'une salle, n'est qu'une partie tout à fait mineure de l'ensemble, et peut sans inconvénient être intégré par analogie avec ce qui l'entoure. Si le pavement est devenu, à la suite d'une dépose, un objet isolé, l'unité s'est en quelque sorte restreinte, et l'on devra être plus réservé dans les éventuelles reconstitutions. Si le pavement n'existe plus qu'à l'état de fragments, l'unité ne peut plus se recomposer à quelque niveau que ce soit, et il faudra alors, au nom de ce que Brandi appelle " l'instance historique ", laisser les fragments de l'objet dans leur état de ruine et se contenter de mesures de pure conservation.
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