Couleur

(Extraits de l'article - illustrations en préparation)

Définition - Généralités

La couleur n'est pas, comme on l'a cru à une certaine époque de l'antiquité, une pellicule posée sur les objets. La couleur est une sensation qui se développe dans le cerveau. Elle résulte de l'interaction de deux acteurs :

Par convention on appelle : couleurs monochromatiques, celles résultant de l'action d'un rayonnement dont la longueur d'onde est théoriquement limitée à 1 nanomètre. Il n'existe pas de rayonnement monochromatique provoquant les sensations de blanc, gris, rose, marron, kaki, bordeaux, etc.

Il faut noter que l'usage a consacré d'autres significations pour le mot couleur, comme par exemple celle de matière colorante désignée par l'expression couleur sèche ou celle de préparations pour artistes sous l'appellation couleur fine.

Le rayonnement électromagnétique

Ses manifestations sont très diverses puisqu'elles vont des rayons cosmiques aux ondes électriques. En d'autres termes elles concernent des phénomènes dont les longueurs d'onde s'échelonnent entre 10-7 et 1014 nanomètres.

Ils sont schématisés sur la figure 1 sur laquelle on peut constater l'intervalle particulièrement petit occupé par la partie dite visible qui est comprise entre 380 et 760 nanomètres.

On définit deux sources de rayonnements électromagnétiques consacrées par l'usage en sources primaires et sources secondaires. Les premières émettent directement le rayonnement. En langage courant on les appelle les lampes. Les secondes ne se voient que lorsqu'elles sont éclairées. Recevant un rayonnement visible, elles le transforment suivant les lois physiques de l'absorption, de la transmission et de la diffusion. C'est ainsi que même dans un monde sans règne animal et dans lequel il n'y aurait pas d'œil pour les voir, dès lors qu'elles seront éclairées par le soleil, les fleurs de ce paradis continueront à réémettre des rayonnements dont ceux que l'on appelle " visibles ". Ils se présenteront d'une façon différente selon qu'il s'agira de la fleur d'une capucine ou de celle du pastel mais seront à chaque fois spécifiques de la surface considérée.

En conséquence il est tout à fait légitime de représenter les couleurs que l'œil percevrait par des courbes donnant les différentes quantités d'énergie émises à chaque longueur d'onde.

Dans le cas des couleurs pures, telles que celles de l'arc-en-ciel ou celles que l'on peut obtenir par la décomposition de la lumière blanche par un prisme, on aurait suivant les longueurs d'ondes :

On peut les montrer sous la forme d'un spectre linéaire comme sur la figure 2 (voir aussi planches hors-texte).

Au quotidien, les surfaces qui nous apparaissent colorées sont composées de quantités plus ou moins grandes de ces couleurs pures. En conséquences on peut les représenter par des courbes donnant les quantités relatives d'énergie rayonnante émises aux différentes longueurs d'onde. On parle de " courbes de distribution relative spectrale ". Elles sont le plus souvent continues et les couleurs présentent généralement des allures comme celles illustrées figure 3 (planche hors-tetxe).

De légers déplacements dans les longueurs d'onde des maximums et minimums de réflexion ainsi que les différences entre les valeurs de ceux-ci assurent la variété des couleurs représentées. Les différentes courbes de répartition spectrale illustrant l'article sur les pigments de cadmium sont un bon exemple de ce propos.

Quelques sources lumineuses donnent au contraire des spectres discontinus comme on le voit sur la figure 4 sur laquelle est illustrée celui d'une lampe à vapeur de mercure haute pression.

Seules les couleurs présentant les mêmes courbes ne présentent pas le phénomène de métamérisme (voir ce mot).

L'appareil visuel

Il se compose de l'oeil au fond duquel se trouve la rétine, liée au nerf optique qui transmet les informations provenant de celle-ci au cerveau qui enfin les interprète.

Au prix d'une grande simplification on peut, sans trahir la vérité, dire que la rétine contient, entre autres, deux sortes de récepteurs sensibles à la lumière visible : les bâtonnets et les cônes. Les premiers, les plus nombreux, entre 110 et 125 millions, ne voient pas les couleurs. En revanche ils sont beaucoup plus sensibles, environ 500 fois, à l'intensité lumineuse que les seconds. Ceci explique que lorsque le niveau lumineux est très faible, par exemple à la tombée de la nuit, on distingue encore très bien le tracé d'une route mais ne perçoit plus les couleurs de la végétation environnante. Seuls les cônes voient les couleurs. Ils sont beaucoup moins nombreux, de 4 à 7 millions, et de trois sortes, sensibles aux grandes, moyennes et courtes longueurs d'onde. Cette sensibilité s'étend sur des zones assez larges du spectre et présente des maximums respectifs à 560, 530 et 420 nanomètres (figure 5).

Siège de réactions photochimiques, ils envoient, par le canal du nerf optique, des signaux électriques au cerveau. Tant que ce dernier n'est pas atteint, il n'existe que des courants biologiques de fréquences variées. C'est en interprétant ces signaux que le cerveau va construire la couleur en établissant son jugement selon un système antagoniste : clair-sombre, rouge-vert, jaune-bleu. On dit d'une vision chromatique normale qu'elle est trichromatique. Certaines personnes souffrent d'anomalies de la vision colorée. Le plus souvent celles-ci proviennent de la déficience ou du manque d'un canal chromatique. Dans le langage courant on parle de daltonisme. Ce point est repris et détaillé à ce terme.

Par ailleurs, à l'opposé de l'oreille qui peut décomposer les sons qu'elle entend, l'œil est incapable d'analyser une couleur et de trouver quels sont ses constituants. Il peut très bien juger identiques des couleurs de compositions différentes.

Certains animaux ont la capacité de distinguer deux surfaces de même clarté (voir ci-dessous), l'une gris neutre, l'autre colorée. Peut-on pour autant dire qu'ils voient la couleur ?

A l'exception de quelques circonstances particulières, réalisées le plus souvent en vue d'études spécifiques, les couleurs ne sont pas vues isolées.

Dès lors qu'elles sont présentées les unes à côté des autres ou sur des fonds différents, leur apparence est modifiée.

Ainsi, par exemple, une couleur paraîtra plus claire ou plus foncée selon qu'elle sera vue juxtaposée à une autre couleur ou posée sur un fond respectivement plus foncé ou plus clair. Bien entendu ces variations de la perception se produisent dans les trois dimensions de cette dernière. Leurs effets sont importants pour la réalisation d'ensembles harmonieux.

Ce phénomène est connu sous le nom général de :

" De la loi du contraste simultané des couleurs ", énoncée par Chevreul en 1839 (voir planches hors-texte).

Un souci de justice amène à dire que dès la fin du XVe siècle, Léonard de Vinci avait écrit dans un des manuscrits qui allait devenir le " Traité de la peinture " (Paris, Librairie Delagrave, 1919, p. 203 - 204):

" Il y en a une autre [règle] qui tend non à rendre les couleurs plus belles qu'elles ne sont naturellement, mais qui fait que leur compagnie les embellit l'une par l'autre comme le vert et le rouge…elles se font valoir par réciprocité. "

Ces couples de couleur ont une grande importance dans les arts picturaux et ont suscité de nombreux écrits, en particulier à la fin du XIXe siècle. Elles font l'objet du chapitre Couleurs complémentaires.

Sensibilité chromatique de l'oeil

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Echelles de gris

Elles ont pour objet de permettre l'appréciation visuelle de la clarté des surfaces. Ce sont des collections d'échantillons de gris réputés neutres, plus ou moins clairs, avec respectivement à leurs deux extrémités un blanc et un noir.

Le nombre d'échelons est arbitraire et dépend de la finalité de l'échelle considérée.

Une des plus anciennes échelles de gris et pendant longtemps la plus connue dans le monde occidental est celle de l'Américain Munsell. Ses échelons étaient par principe visuellement équidistants et Munsell les avait choisi de telle sorte que théoriquement leur clarté (Value chez Munsell) V soit reliée par la relation V² = Y à la luminance colorimétrique Y. Cette valeur Y, établie par Munsell, ne doit pas être confondue avec celle du Y de la CIE telle qu'elle a été définie en 1931. Cette échelle permet de voir qu'un gris classé visuellement moyen, c'est-à-dire au milieu du blanc et du noir, ne réfléchit qu'environ 25 % de la lumière incidente. Remarquons toutefois que la luminosité visuelle d'une couleur n'est pas reliée de façon simple à la luminance obtenue par des mesures physiques (voir volume 1, Atlas de Couleurs, pages 278 - 279).

En dehors de l'échelle Munsell on cite également :

rubriques suivantes ;

Propriétés fondamentales de la sensation colorée

Dès lors que l'on veut repérer, comparer, classer ou tout simplement décrire une couleur, on constate rapidement que trois paramètres sont nécessaires. Deux couleurs différentes sont l'une par rapport à l'autre comme deux points dans un espace simple à trois dimensions.

Au quotidien, ces trois paramètres sont appelées : tonalité, clarté, saturation.

Tonalité : C'est l'attribut de la vision qui s'exprime par les dénominations des couleurs spectrales telles que bleu, rouge, vert, etc.

Il ne faut pas confondre tonalité et couleur. Les appellations marron et kaki en sont une illustration.

Si l'on ajoute à deux peintures, l'une orangé, l'autre jaune, une peinture grise, à partir d'une certaine quantité de cette dernière, la première va devenir marron, la seconde kaki.

Si on accepte la condition idéale d'un gris parfaitement neutre on a certes créé deux nouvelles couleurs, mais n'ayant pas changé les éléments chromatiques les peintures jaune et orangé, on n'a pas changé les tonalités.

En revanche, dès l'instant où on mélange les peintures jaune et orangé, on crée de nouvelles tonalités, un orangé plus jaune, un jaune moins vert, etc.

Lorsque l'on classe les tonalités par le critère physique de la longueur d'onde, on obtient un spectre comme celui de la figure 1, borné à ces deux extrémités.

Mais, si lorsque l'on se base sur les proximités visuelles, on constate que l'œil n'éprouve aucune difficulté à passer du rouge au rouge pourpre puis aux pourpres, aux pourpres violets et grâce aux violets rouges à faire se rejoindre les extrémités du spectre de la figure 2. Cette propriété de la vision colorée est illustrée figure 8 (voir aussi planches hors-texte). On la retrouve en colorimétrie avec la droite des pourpres.

Ceci explique sans doute pourquoi, depuis le XVIIe siècle, on trouve souvent les tonalités rangées en forme de cercles que l'on dit " chromatiques ".

Remarquons au passage que cette sorte de représentation dans le plan ne permet pas de prendre en considération les trois paramètres de la couleur.

Clarté : C'est l'attribut de la vision selon lequel un corps paraît transmettre ou diffuser une fraction plus ou moins grande de la lumière incidente. Elle s'exprime par les qualificatifs clair, foncé, etc.

Comme déjà expliqué ci-dessus (p. 147), son appréciation est fortement influencée par l'environnement. C'est pourquoi on a défini sous l'appellation " Clarté CIE 1976 " une clarté qui correspond à une clarté subjective pour des surfaces observées sur un fond allant du blanc au gris moyen et pour un observateur adapté à des conditions d'observation voisines de celles de la lumière moyenne du jour.

Précisons qu'au XIXe siècle, en particulier sous l'influence de Chevreul, le vocable ton a été associé à la notion de clarté.

Saturation : C'est la partie de la sensation colorée qui permet d'estimer la quantité de couleur contenue dans la sensation totale. C'est une sensation difficile à aborder car elle est dépendante des deux autres attributs. Les couleurs spectrales le montrent bien. Par nature elles sont au maximum de saturation et pourtant elles n'apparaissent pas également saturées. Le violet paraît avoir une saturation très forte alors que c'est le contraire pour le jaune.

Par ailleurs, une surface colorée peut apparaître comme brillante ou mate, transparente ou opaque, lisse ou texturé.

Quelques couleurs particulières

Couleurs optimales

Lorsque l'on trace une courbe reliant le point achromatique (blanc, gris) à un point représentant une couleur pure et que l'on examine les couleurs situées sur cette courbe, on remarque, bien entendu, qu'elle paraissent de plus en plus saturées mais qu'en outre l'une d'entre elles se présente comme possédant une clarté maximale.

Les couleurs de cette sorte sont dites " couleurs optimales ". Elles possèdent des courbes de réflexion spectrale particulières dont les valeurs de luminance ne peuvent être que 0 et 1 et avec seulement une ou deux transitions entre ces valeurs. De telles courbes sont reproduites figure 9.

Couleurs primaires

Cette appellation n'a aucune signification hiérarchique. Il n'y a pas plus de couleurs supérieures que de couleurs inférieures. Cette expression correspond en réalité à des choix, soit de matières colorantes, soit de lumières, par le mélange desquelles il est possible de réaliser de très grandes variétés d'autres couleurs. C'est ainsi qu'en imprimerie, pour la trichromie, un bleu-vert, un jaune et un rouge-pourpre ont été sélectionnés. Le premier et le dernier étant respectivement dénommés cyan et magenta. Mais il faut bien insister sur le fait qu'ici, il s'agit de matières colorantes et non de couleurs et que leurs mélanges appartiennent à la synthèse soustractive.

En revanche, pour la télévision, domaine de la synthèse additive, les lumiphores sont bleus, vert et rouge.

Les couleurs primaires virtuelles ont été créées pour la technique de la colorimétrie. Elles sont décrites dans cet article, page 169.

Couleurs conventionnelles

Sous le titre " couleurs conventionnelles " sont rassemblées des collections des couleurs retenues pour des applications particulières comme les " couleurs de signaux de sécurité ", les " couleurs pour machines-outils ", le " rouge incendie ", les couleurs Saybolt et Gardner, etc.

Ces couleurs font l'objet de normes et sont généralement définies colorimétriquement.

En France, ces normes sont répertoriées NFX08 : 003, 004, 006, 008, 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107.

Classification des couleurs

Dès lors que l'on accepte l'affirmation de Clémenceau : " Connaître, penser, c'est classer ", on comprend que parmi tous les artistes, érudits, scientifiques, etc. qui se sont intéressés à la couleur, nombreux soient ceux qui ont imaginé des systèmes de classification destinés à faciliter la compréhension de ce phénomène.

Rubriques :

Dénomination des couleurs

Les estimations du nombre des couleurs que l'œil humain peut distinguer ont beaucoup varié au cours des temps. On sait aujourd'hui qu'il faut compter en dizaine de mille. On comprend que, dans ces conditions, le problème de l'appellation des couleurs soit un souci permanent. En effet, comment non seulement créer plusieurs dizaines de milliers de vocables mais encore être capable de les utiliser de façon précise et sans risque de confusion ?

Et pourtant, quelle que soit la langue qu'il ait parlé à l'époque, il a bien fallu qu'Adam possède un vocabulaire chromatique pour dire à Eve qu'elle avait les plus beaux yeux bleus du monde ou peut être plus poétiquement qu'ils étaient comme des " saphirs transparents ".

Cet exemple nous montre les deux sortes de dénominations de couleurs susceptibles d'être utilisées :

les dénominations directes, noms consacrés aux seules couleurs, bleu, rouge, vert, etc.

les dénominations indirectes, noms qui se réfèrent à des éléments de l'entourage comme saphir, canari, etc.

Dans la norme française X 08-010, le nombre des dénominations directes est de 18, classées en 10 familles (tableau II), dont les places dans le volume des couleurs sont bien définies (figure 21) et dont la saturation et le niveau de luminance peuvent être précisés par un des neuf adjectifs du tableau III.

En fait, certaines des trente planches de cette norme montrent que le quotidien qui se moque quelquefois des réglementations a consacré l'usage d'appellations comme : brun clair, kaki clair, marron clair qui justement ne les respecte pas.

Les déterminations indirectes sont beaucoup plus nombreuses, on serait tenté d'écrire en nombre illimité, car on ne voit pas ce qui pourrait empêcher qui que ce soit de tenter de paraphraser Cyrano de Bergerac* et d'inventer demain un " Ventre de Mouflon ".

Elles prennent leur source dans les domaines les plus variés. Certaines résultent de l'appropriation par le vocabulaire chromatique de termes de la vie courante, tels que, par exemple, émeraude, rubis, dans le domaine des minéraux, chamois et puce dans celui des animaux, ou encore tilleul, ébène, lilas, cyclamen dans celui des végétaux.

* Cyrano de Bergerac :

Les beaux rubans ! Quelle couleur ? Comte de Guiche ? " Baise-moi-ma-mignone ", ou bien " Ventre de biche " ?

Ce à quoi Guiche répond :

C’est couleur " Espagnol malade ".

Le développement des matières colorantes synthétiques a donné lieu à une débauche d'appellations à la fois de la part des producteurs mais aussi et surtout des teinturiers. C'est ainsi par exemple que l'on trouve un Rouge Caroubier pour une laine rouge de la société Poiret frères et neveux, un Rose Églantine pour une des soieries des Soieries Vuillod, Ancel et Cie et un Rose Neyron pour une fleur produite par cet horticulteur.

D'autres, filles de la publicité et de la mode, apportent une certaine fantaisie. Ainsi le catalogue d'un important fabricant de peintures pour le bâtiment propose un aigre-doux pour une couleur rouge brique et un effervescence pour un blanc cassé ! Un nuancier de la mode des années 1960 (nous avons choisi cette époque lointaine pour ne contrarier personne) présente un rose slalom et un beige échalote. On a connu des rouges de carrosserie d'automobile qui étaient Charlemagne, Bacchus, etc.

Il faut également citer l'existence de vocabulaires spécifiques à certains domaines comme par exemple celui des milieux hippiques. Ceux que ce sujet intéresse pourront trouver une description détaillée de la couleur des robes d'un cheval dans le chapitre VI du Manuel d'Hippologie de la Fédération Française des Sports Equestres, rédigé par le Lieutenant-Colonel Aublet (1971). Rappelons simplement qu'il existe quatre couleurs principales : le blanc, le café au lait, l'alezan, le noir et que chacune de celles-ci présente des variétés. Ainsi, l'alezan peut entre autres être : clair, ordinaire, brûlé, doré, cuivré.

L'intérêt d'un ouvrage comme le Répertoire de Couleurs de la Société Française des Chrysanthémistes de René Oberthur a été signalé dans le volume I, page 272 - 273. On y trouve les trois appellations suivantes : Glauque d'Abiès, Vert Tilleul, Pierre-de-Fiel. Selon les règles de la norme française décrite ci-dessus, ces couleurs devraient respectivement

s'appeler vert-jaune gris, jaune-vert gris, orange moyen.

A chacun de faire son choix suivant sa nature plus ou moins pragmatique ou poétique et en essayant de ne pas oublier que la signification exacte d'un mot est bien plus celle que lui accordent ceux qui l'utilisent couramment que celle préconisée par l'érudit, comme le montrent certaines expressions du langage courant dont nous citons maintenant quelques exemples : une peur bleue, un rire jaune, la vie en rose, il est encore assez vert, faire chou blanc, broyer du noir.

Autres rubriques :

L'harmonie des couleurs

Depuis toujours les artistes ont cherché à assembler les couleurs de telle sorte que le résultat soit agréable aux yeux. Et les physiciens ont analysé ces œuvres pour essayer d'en tirer des conclusions et surtout des règles permettant de parvenir à la réussite.

On a vu ci-dessus, paragraphe " L'appareil visuel ", les effets du contraste simultané et on admettra ci-dessous que ce phénomène est pris en considération chaque fois qu'il existe. Rappelons que, vérité historique obligeant, il doit également être noté qu'une quarantaine d'années avant Chevreul, l'américain Rumford avait énoncé (1797, Essais politiques, économiques et philosophiques) la loi qui porte son nom et qui dit :

" Deux couleurs assemblées ont comme condition d'harmonie qu'elles présentent toutes deux les proportions respectives de lumières colorées nécessaires pour former le blanc. "

L'emploi des couleurs complémentaires a suscité chez les peintres des prises de positions quelquefois très arrêtées.

Ainsi dans La lettre à Théo n° 531, Arles, septembre 1888, Van Gogh écrit : " exprimer l'amour de deux amoureux par un mariage de deux complémentaires, leurs mélanges et leurs oppositions, les vibrations mystérieuses des tons rapprochés… " alors qu'à l'opposé L. Demulder-Dutron (Rôle des affinités chromatiques et du rythme dans l'application esthétique des couleurs, Congrès international de la couleur, Düsseldorf, 1961, volume 2, p. 387 - 390) fait dire à Gauguin : " Défiez-vous des complémentaires, elles donnent le heurt et non pas l'harmonie ". Bien que celui-ci ait écrit dans ses " Notes synthétiques " publiées en 1910 : " Un vert à côté d'un rouge, deux notes vibrantes. A côté de ce rouge mettez du jaune de chrome, vous avez trois notes s'enrichissant l'une par l'autre. "

Mais il ne faut pas réduire l'harmonie des couleurs à celle des seules tonalités. Ce serait insuffisant. Ce sont les assemblages réalisés dans les trois dimensions des volumes des couleurs qui doivent être examinés. Les différentes représentations d'une collection d'échantillons colorés peuvent varier aussi bien en tonalité qu'en clarté ou saturation.

Enfin, en plus du phénomène tridimensionnel, un quatrième paramètre intervient lorsque l'on assemble des couleurs. Nous l'appelons l'effet de masse. Il dépend des surfaces respectives occupées par chaque couleur.

On admet généralement que les aires doivent être inversement proportionnelles aux saturations et même selon Munsell que " Les aires relatives occupées par deux couleurs doivent être en raison inverse du produit de leur clarté par leur saturation " (A. H. Munsell, " An introduction to the Munsell color system ", A Grammar of Color, Strathmore Paper Company, 1921, p. 9).

Sur cet aspect des surfaces respectives occupées par les couleurs on pourra consulter avec profit : George Field, Chromatics, Londres 1845 ; W. v. Bezold, The Harmony of Colour, édition américaine, Boston 1876 ; E. Brücke, Les couleurs, Paris 1866 ; Parry Moon et Domina Ebere Spencer, " Area in Color Harmony ", JOSA, vol. 34, n° 2, février 1944, p. 93 - 103.

Un certain nombre de chercheurs ont proposé des quantifications de ces phénomènes. On trouvera dans " The Aesthetica of Color : A review of fifty years of experimentation " de Victoria K. Ball (Journal of Aesthetics and Art Criticism, XXIII, (4), Summer 1965) une bibliographie intéressante pour la fin du XIXe siècle et les soixante premières années du XXe. Et dans " Aesthetic Measure Applied to Color Harmony ", Parry Moon et Domina Ebere Spencer (JOSA, vol. 34, n° 4, avril 1944, p. 234 - 242) exposent un essai d'application de l'équation de Birkhoff M = O/C dans laquelle O représente le nombre d'éléments ordonnés et C évalue la complexité. La valeur de C est obtenue en considérant les trois attributs de la couleur. Par exemple pour une paire de couleurs référencées selon Munsell R 5/6 et R 4/2 le nombre de couleurs est 2, il n'y a pas de différence de tonalité donc 0 mais il y a une différence de clarté et une différence de saturation :

C = 2 + 0 + 1 + 1 = 4

pour les autres termes, les auteurs précisent ensuite : " Cependant, les valeurs absolues d'une échelle de mesure de l'esthétique ne sont pas fixées mais sont quelquefois arbitraires " (p. 236). Nonobstant ce côté arbitraire de nombreux résultats sont présentés et proposent une organisation géométrique logique dans laquelle on trouve des régions d'identité de similitude, de contraste et d'ambiguïté, ce dernier caractère étant généralement à éviter.

Il est impossible de citer ici les nombreux livres publiés sur l'esthétique des couleurs. Nous citerons simplement :

Color : Order and Harmony, Paul Renner, Reinhold Publishing Corporation, New York 1964, préalablement publié en allemand par Otto Maier Verlag, Ravensburg, intéressant par les planches colorées qu'il contient et qui montrent des exemples d'harmonie basés sur les trois dimensions de la couleur.

Harmonie des couleurs, Julie Beaudeneau et H. Ernest Pfeiffer, Dunod, Paris 1957, document de 70 pages dans lequel l'essentiel du sujet est écrit avec de nombreuses illustrations dont quatre planches en couleur.

Nous voudrions enfin rappeler ici la notion de " Cohérence et Diversité " développée par Yves Charnay dans un document intitulé " Le corps chromatique " et conclure que dans le domaine artistique la première exigence est d'abord d'avoir du talent

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